Le lundi soir, j’ai un cours de 18 à 20h. Auquel j’arrive toujours en retard, comme je travaille jusqu’à 18h30. Ce retard m’a permis de remarquer quelque chose : en rentrant dans un amphi au beau milieu d’un cours, il est très facile de remarquer si le cours va être prenant ou pas. La localisation des étudiants (au fond, ou au contraire, amassés près du bureau), les bavardages, un silence concentré ou au contraire pesant, la diction du prof, tout ça m’informe sur le cours que je m’apprête à suivre. La plupart de ces cours ont été assurés par un prof soporifique à l’extrême. Et un beau jour, un changement en entrant dans l’amphi, c’était différent. Une nouvelle prof. Et là, tout change. Je ne saurais dire ce qu’il y a de différent chez elle quand elle professe, mais tout le monde est captivé.
Le point d’orgue arriva à 19h45 : “Rangez vos affaires…” (pensée : chouette, on a fini plus tôt) “… je vais vous raconter une histoire”. Stupeur dans l’amphi.
Un moment en suspension, quelques minutes réellement magiques, une délicieuse régression : tous ces grands dadais de 20 à 35 ans assis, la tête entre les poings, sont d’un coup, d’un seul, retombés en enfance, les yeux pleins d’étoiles rivés sur la maîtresse. “Tout le monde écoute la maîtresse”.
Ce n’était pourtant pas un conte de fée qu’elle nous a conté, non. Mais un extrait de son propre livre. Car elle était professeur des écoles et a écrit un livre, à mi-chemin entre la réflexion et les anecdotes de classe, et c’est un extrait qu’elle nous a lu. Mais la magie opérait.
J’ai choisi avec beaucoup de bonheur son option ce semestre, afin de la retrouver. Car ses cours sont un délice. Pas seulement au niveau du contenu (les pédagogies alternatives : Freinet, institutionnelle…), qu’elle maîtrise fort bien (elle est adepte de ces pédagogies), mais aussi au niveau de la façon dont les cours sont donnés. On sent chez cette femme une bienveillance, une proximité propice à l’échange. Encore un peu et elle nous maternerait. Avec elle, tout semble facile. Or elle ne fait que nous accompagner, elle ne construit pas la réflexion à notre place.
Dans la bouche, j’ai un arrière-goût d’enfance, à la fois sucré, car il fait bon se sentir comme ça, et à la fois amer, car je sais qu’en principe, tout ça, c’est fini pour moi, je suis une grande, ce n’est qu’un sursis.
Et puis, en y réflechissant, je me dis que quand je serai grande, je veux être comme elle. La place de l’enfant n’est plus la mienne, mais j’espère un jour pouvoir procurer le même sentiment de sécurité qui permet de se dépasser, le même plaisir, la même hâte d’aller en cours, la même impression que le temps s’est arrêté, et qu’à la fois il file trop vite, qu’elle. Car c’est toujours extrêmement magique de voir, qu’après tant d’années d’exercice, elle enseigne toujours sans lassitude, avec passion, de manière admirable, et ce rôle semble être tout aussi riche que celui de l’enfant.
Puisse-je y arriver.
Pour ceux que ça intéresse, voici son livre (elle en a écrit d’autres), je compte bien l’acheter : Moi, Maîtresse, de Martine Boncourt.
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janvier 29th, 2009 at 14:55
Cette dame a lu Pennac, assurément.
janvier 29th, 2009 at 16:51
Sympa, ça change… :mrgreen:
janvier 29th, 2009 at 19:13
Chulie : je n’ai jamais lu, je devrais peut-être m’y mettre… :voleur:
janvier 30th, 2009 at 15:03
C’est génial d’avoir ce genre de prof qui marquent positivement ! Dans mon parcours, j’en garde que deux à l’esprit… !
février 2nd, 2009 at 10:05
Surtout si tu souhaites devenir professeur des écoles.